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Monsieur le député Jean Terlier serait-il climato-sceptique ?

Suite à la parution de la Tribune «A69, l’emblème d’une fuite en avant», le député Jean Terlier s’émeut : "Comment ces personnalités qui n'ont sûrement jamais mis un pied dans le Tarn, qui ne connaissent pas notre territoire, ses besoins, ses difficultés de développement économique, peuvent-elles prétendre nous donner des leçons sur ce qui serait bon pour nous ?" La Dépêche du 11 mars 2022.

Il n’aura pas échappé à Monsieur Terlier que le Sud-Tarn fait partie d’un pays, la France, et du monde en général. N’en déplaise à Monsieur Terlier, le Sud-Tarn n’est pas une planète à part dans le système solaire et notre territoire est et sera impacté par le dérèglement climatique.

Monsieur Terlier dénonce le parisianisme de la réalisatrice Coline Serreau. Faut-il être exclusivement du Sud-Tarn pour être écoutée ? A-t-il seulement consulté la liste des signataires ? De nombreux universitaires signataires font partie de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche de Toulouse, mais visiblement Monsieur Terlier en sait plus que tous ces chercheurs, «qui ne connaissent pas le Sud-Tarn», réserve enclavée qui ne saurait être comprise que par ses indigènes.

Monsieur Terlier souligne la nécessité de développement économique de notre territoire, qui passerait obligatoirement par la réalisation de l’autoroute. Les entreprises sur le Causse n’ont pourtant pas attendu l’autoroute pour s’installer et se développer, les laboratoires Pierre Fabre non plus, ni l’entreprise Missègle : sa fondatrice et directrice Myriam Joly est signataire de la tribune. L’entreprise s’est fortement développée grâce à ses compétences et son savoir-faire, avec au coeur de sa démarche, bien-être au travail, qualité de la production, valorisation des métiers manuels et industriels et engagement pour un avenir durable.

Résumer les prises de position soucieuses d’enjeux écologiques à une

« récupération politique » est symptomatique d’une certaine classe politique qui ne conçoit l’action publique qu’à l’aune d’une carrière personnelle, totalement aveugle aux urgences auxquelles nous devons faire face, toutes et tous, et en premier lieu les décideurs politiques, dont les actes engagent non seulement notre présent mais également notre avenir, de manière bientôt irrémédiable.

«Il est incontestable que les activités humaines sont à l’origine du changement climatique et il est nécessaire de réduire fortement, rapidement et durablement les émissions de CO2 et autres gaz à effet de serre. Chaque degré de réchauffement a son importance» rappelle Karina Von Schuckmann, océanographe, co-autrice du 6ème rapport du GIEC et signataire de la tribune. "Si dès aujourd'hui, on prend des décisions immédiates, fortes, soutenues dans le temps, et qui sont à grande échelle, c'est-à-dire qui concernent tous les secteurs, dans ce cas, on pourrait arriver à diminuer nos émissions de gaz à effet de serre et à stabiliser le niveau de réchauffement global à la valeur d'1,5°C ou 2°C" précise Christophe Cassou, directeur de recherche au CNRS à Toulouse, co-auteur du 6ème rapport du GIEC et signataire de la tribune.

Dictature des minorités ?

Monsieur Terlier, vous parlez de «dictature des minorités» à propos des signataires. Les auteurs du rapport du GIEC seraient donc des minorités dont les analyses ne compteraient pas ? Seriez-vous climato-sceptique, Monsieur Terlier ?

Monsieur Terlier, vous êtes aujourd’hui député parce que 22884 personnes ont voté pour vous, soit 22,56 % des inscrits. Il n’y a pas de quoi pavoiser. Une attitude moins arrogante et plus attentive aux avis différents et éclairés serait bienvenue!

Selon vous, «la plus grande majorité des Sud-Tarnais s’est exprimée favorablement pour le projet et sans ambiguïté dans le cadre de l’enquête publique.»

Vous le savez comme nous : l’enquête publique n’est pas représentative. La population a été consultée entre décembre 2016 et janvier 2017 à partir d’éléments fragmentaires et d’arguments pour le moins discutables.

8751 observations ont été formulées, représentant 6,63 % de la population du bassin Castres-Mazamet à laquelle il faut ajouter les habitants de l’ensemble du tracé…

D’après le dépliant de l’enquête publique, «les effets attendus du projet sont nombreux, notamment en matière d’aménagement du territoire et du développement économique du bassin Castres-Mazamet qui représente 49000 emplois et 132000 habitants».

Quel aménagement du territoire ?

Quel développement économique ?

Quelles créations d’emplois (nombre, qualité, secteur) ?

Aucun décideur ne daigne répondre à ces questions que l’autoroute est supposée résoudre. Des collectifs opposés au projet vous ont adressé à plusieurs reprises un questionnaire détaillé pour obtenir des éléments de réponse : nous les attendons toujours.

Aucun projet de territoire des collectivités territoriales concernées ne le précise. Le Plan Local d’Urbanisme n’est pas réfléchi à l’échelle intercommunale pour l’agglomération Castres-Mazamet, ce qui en dit long sur la réflexion menée en amont… De plus, sa révision est lancée à Castres depuis 2012, sans qu’aucuns travaux ni consultations ne soient à l’ordre du jour depuis dix ans.

L’enquête publique ne fait aucune allusion à l’étude de l’alternative existante concernant l’aménagement sécurisé de la RN126 et affirme de manière péremptoire que le temps gagné sur l’ensemble du trajet serait de 35 minutes, ce que nous contestons, comme l’ont contesté l’Autorité Environnementale et le Commissariat Général à l’investissement. Thomas Cadoul, alors chef du service Transports, Infrastructures et Déplacements à la DREAL Midi-Pyrénées, affirmait lui-même en 2009 : «Cela s’explique par la valeur accordée par l’usager au temps gagné, environ 15 minutes pour le trajet Castres-Verfeil.»

La valeur du péage est mentionnée par le prix HT du kilomètre, qui, rapporté à l’ensemble du trajet, s’avérait être à hauteur de 7 € TTC l’aller, soit 14 € l’aller-retour en 2014. Sans compter les hausses actuelles…

Quant au directeur de projet (énarque parisien, Monsieur Terlier !) recruté en urgence pour «valoriser le projet de liaison autoroutière Castres-Toulouse» en fin connaisseur du territoire depuis Paris, son ambition est de «construire l’autoroute du XXIe siècle, avec bornes de recharge pour voitures électriques et un péage à flux libre» et de «faire de cette autoroute un levier de développement durable pour le territoire

Monsieur le directeur de projet a une définition du développement durable pour le moins personnelle et fallacieuse… En effet, le consensus scientifique concernant la définition de développement durable est la suivante : «Développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs». Cette notion est de plus parfois contestée, considérant qu’il s’agit d’une manière de traduire les enjeux écologiques dans une formulation les vidant de leur sens.

Monsieur Terlier, au service de qui êtes-vous ? Au prix de l’essence, du péage, des 500 hectares de terres agricoles sacrifiées, certainement pas au service de la majeure partie des habitants. Seriez-vous au service des lobbies privés, bien éloignés de l’intérêt général ? Le trafic pour cet axe est estimé à 5640 véhicules par jour alors que le minimum couramment admis pour justifier un tel ouvrage est de 20 à 25000 véhicules par jours... Où sont les critères objectifs de la soi-disante nécessité de cette autoroute et du développement qu’elle est supposée apporter ?

Les décideurs d’aujourd’hui sont les coupables de demain. Le tribunal des générations futures saura le leur rappeler.


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